Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/135

Cette page n’a pas encore été corrigée

mon cœur, je m’oublierai moi-même ; je vous parlerai de vous, de votre situation, c’est-à-dire de la République ; & je ne crois pas trop présumer de moi, si j’espère, au moyen de cet arrangement, traiter avec équité la question que vous me faites.

J’ai été outragé d’une manière d’autant plus cruelle, que je me flattais d’avoir bien mérité de la Patrie. Si ma conduite eut eu besoin de grâce, je pouvais raisonnablement espérer de l’obtenir. Cependant, avec un empressement sans exemple, sans avertissement, sans citation, sans examen, on s’est hâté de flétrir mes livres : on a fait plus ; sans égard pour mes malheurs, pour mes maux, pour mon état, on a décrété ma personne avec la même précipitation, l’on ne m’a pas même épargné les termes qu’on emploie pour les malfaiteurs. Ces Messieurs n’ont pas été indulgens ; ont-ils du moins été justes ? C’est ce que je veux rechercher avec vous. Ne vous effrayez pas, je vous prie, de l’étendue que je suis forcé de donner à ces Lettres. Dans la multitude de questions qui se présentent, je voudrais être sobre en paroles : mais, Monsieur, quoiqu’on puisse faire, il en faut pour raisonner.

Rassemblons d’abord les motifs qu’ils ont donnés de cette procédure, non dans le réquisitoire, non dans l’arrêt, porté dans le secret, & resté dans les ténebres ;*

[*Ma famille demanda, par Requête communication de cet arrêt. voici la réponse : "Du 25 Juin 1762. En conseil ordinaire, vu la présente Requête, arrêté qu’il n’y a lieu d’accorder aux Suppliants les fins d’icelle. " Lullin. L’Arrêt du Parlement de Paris fut imprimé aussi-tôt que rendu. Imaginez ce que c’est qu’un Etat libre, où l’on cachés de pareils Décrets contre l’honneur & la liberté des Citoyens !] mais dans les réponses du Conseil aux représentations des Citoyens & Bourgeois,