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silence sans les comprendre ni les rejetter, & s’humilie devant le grand Etre qui seul sait la vérité. Tel est son scepticisme ; & ce scepticisme est bien involontaire, puisqu’il est fondé sur des preuves invincibles de part & d’autre, qui forcent la raison de rester en suspens. Ce scepticisme est celui de tout Chrétien raisonnable & de bonne foi, qui ne veut savoir des choses du Ciel que celles qu’il peut comprendre, celles qui importent à sa conduite, & qui rejette avec l’Apôtre les questions peu sensées, qui sont sans instruction, & qui n’engendrent que des combats.*

[*Timoth. C. II. V.23]


D’abord vous me faites rejetter la Révélation pour m’en tenir à la Religion naturelle, & premiérement, je n’ai point rejetté la Révélation. Ensuite vous m’accusez de ne pas admettre même la Religion naturelle, ou du moins de n’en pas reconnoître la nécessité ; & votre unique preuve est dans le passage suivant que vous rapportez. "Si je me trompe, c’est de bonne-foi. Cela suffit*

[*Emile, Tome II. p. 11 in-4̊., T. III. p. 17. in 8̊, & in 12̊. M. de Beaumont a mis ; cela me suffit] pour que mon erreur ne me soit pas imputée à crime ; quand vous vous tromperiez de même, il y auroit peu de mal à cela. " C’eft-à-diré, continuez-vous, que selon lui il suffit de se persuader qu’on est en possession de la vérité ; que cette persuasion, fût-elle accompagnée des plus monstrueuses erreurs, ne peut jamais être un sujet de reproche ; qu’on doit toujours regarder comme un homme sage & religieux, celui qui, adoptant les erreurs mêmes de l’Athéisme, dira qu’il el de bonne-foi. Or, n’est-ce pas-là ouvrir la porte à toutes les superstitions,