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connaître, & un autre homme peut se tromper aussi bien que moi : quand je crois ce qu’il dit, ce n’est pas parce qu’il le dit, mais parce qu’il le prouve. Le témoignage des hommes n’est donc au fond que celui de ma raison même, & n’ajoute rien aux moyens naturels que Dieu m’a donnés de connaître la vérité.

Apôtre de la vérité, qu’avez-vous donc à me dire dont je ne reste pas le juge ? Dieu lui-même a parlé : écoutez sa révélation. C’est autre chose. Dieu a parlé ! voilà certes un grand mot. & à qui a-t-il parlé ? Il a parlé aux hommes. Pourquoi donc n’en ai-je rien entendu ? Il a chargé d’autres hommes de vous rendre sa parole. J’entends ! ce sont des hommes qui vont me dire ce que Dieu a dit. J’aimerois mieux avoir entendu Dieu lui-même ; il ne lui en auroit pas coûté davantage, & j’aurois été à l’abri de la séduction. Il vous en garantit en manifestant la mission de ses envoyés. Comment cela ? Par des prodiges. & où sont ces prodiges ? Dans les livres. & qui a fait ces livres ? Des hommes. & qui a vu ces prodiges ? Des hommes qui les attestent. Quoi ! toujours des témoignages humains ! toujours des hommes qui me rapportent ce que d’autres hommes ont rapporté ! que d’hommes entre Dieu & moi ! Voyons toutefois, examinons, comparons, vérifions. Ô si Dieu eût daigné me dispenser de tout ce travail, l’en aurais-je servi de moins bon cœur ?

Considérez, mon ami, dans quelle horrible discussion me voila engage ; de quelle immense érudition j’ai besoin pour remonter dans les plus hautes antiquités, pour examiner,