Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus grandes idées de la Divinité nous viennent par la raison seule. Voyez le spectacle de la Nature, écoutez la voix intérieure. Dieu n’a-t-il pas tout dit à nos yeux, à notre conscience, à notre jugement ? Qu’est-ce que les hommes nous diront de plus ? Leurs révélations ne font que dégrader Dieu, en lui donnant les passions humaines. Loin d’éclaircir les notions du grand Être, je vois que les dogmes particuliers les embrouillent ; que loin de les ennoblir ils les avilissent ; qu’aux mysteres inconcevables qui l’environnent ils ajoutent des contradictions absurdes ; qu’ils rendent l’homme orgueilleux, intolérant, cruel ; qu’au lieu d’établir la paix sur la terre, ils y portent le fer & le feu. Je me demande à quoi bon tout cela, sans savoir me répondre. Je n’y vois que les crimes des hommes & les miseres du genre humain.

On me dit qu’il faloit une révélation pour apprendre aux hommes la maniere dont Dieu vouloit être servi ; on assigne en preuve la diversité des cultes bizarres qu’ils ont institués ; & l’on ne voit pas que cette diversité même vient de la fantaisie des révélations. Dès que les peuples se sont avisés de faire parler Dieu, chacun l’a fait parler à sa mode, & lui a fait dire ce qu’il a voulu. Si l’on n’eût écouté que ce que Dieu dit au cœur de l’homme, il n’y auroit jamais eu qu’une religion sur la terre.

Il faloit un culte uniforme ; je le veux bien : mais ce point étoit-il donc si important qu’il falût tout l’appareil de la puissance divine pour l’établir ? Ne confondons point le cérémonial de la religion avec la religion. Le culte que Dieu demande est celui du cœur ; & celui-là, quand il est sincere, est tou-