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forcées, c’est par le bon usage de ma raison ; mais je les affirme sans les comprendre, &, dans le fond, c’est n’affirmer rien. J’ai beau me dire : Dieu est ainsi, je le sens, je me le prouve ; je n’en conçois pas mieux comment Dieu peut être ainsi.

Enfin, plus je m’efforce de contempler son essence infinie, moins je la conçois ; mais elle est, cela me suffit moins je la conçois, plus je l’adore je m’humilie, & lui dis : Etre des êtres, je suis parce que tu es ; c’est m’élever à ma source que de te méditer sans cesse. Le plus digne usage de ma raison est de s’anéantir devant toi : c’est mon ravissement d’esprit, c’est le charme de ma faiblesse, de me sentir accablé de ta grandeur.

Après avoir ainsi, de l’impression des objets sensibles & du sentiment intérieur qui me porte à juger des causes selon mes lumières naturelles, déduit les principales vérités qu’il m’importoit de connaître, il me reste a chercher que, es maximes j’en dois tirer pour ma conduite, & quelles règles je dois me prescrire pour remplir ma destination sur la terre, selon l’intention de celui qui m’y a placé. En suivant toujours ma méthode, je ne tire point ces règles des principes d’une haute philosophie, mais je les trouve au fond de mon cœur écrites par la nature en caractères ineffaçables. Je n’ai qu’à me consulter sur ce que je veux faire : tout ce que je sens être bien est bien, tout ce que je sens être mal est mal : le meilleur de tous les casuistes est la conscience ; & ce n’est que quand on marchande avec elle qu’on a recours aux subtilités du raisonnement. Le premier de tous les soins