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devoit finir un jour. Qu’un Être que je ne conçois pas donne l’existence à d’autres êtres, cela n’est qu’obscur & incompréhensible ; mais que l’être & le néant se convertissent d’eux-mêmes l’un dans l’autre, c’est une contradiction palpable, c’est une claire absurdité.

Dieu est intelligent, mais comment l’est-il ? L’homme est intelligent quand il raisonne, & la suprême Intelligence n’a pas besoin de raisonner ; il n’y a pour elle ni prémisses, ni conséquences, il n’y a pas même de proposition ; elle est purement intuitive, elle voit également tout ce qui est, & tout ce qui peut être ; toutes les vérités ne sont pour elle qu’une seule idée, comme tous les lieux un seul point, & tous les tems un seul moment. La puissance humaine agit par des moyens, la puissance Divine agit par elle-même ; Dieu peut, parce qu’il veut, sa volonté fait son pouvoir. Dieu est bon, rien n’est plus manifeste : mais la bonté dans l’homme est l’amour de ses semblables, & la bonté de Dieu est l’amour de l’ordre ; car c’est par l’ordre qu’il maintient ce qui existe, & lie chaque partie avec le tout. Dieu est juste ; j’en suis convaincu, c’est une suite de sa bonté ; l’injustice des hommes est leur œuvre & non pas la sienne : le désordre moral, qui dépose contre la Providence aux yeux des Philosophes, ne fait que la démontrer aux miens. Mais la justice de l’homme est de rendre à chacun ce qui lui appartient, & la justice de Dieu de demander compte à chacun de ce qu’il lui a donné.

Que si je viens à découvrir successivement ces attributs dont je n’ai nulle idée absolue, c’est par des conséquences