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Si l’homme est actif & libre, il agit de lui-même ; tout ce qu’il fait librement n’entre point dans le systême ordonné de la Providence, & ne peut lui être imputé. Elle ne veut point le mal que fait l’homme, en abusant de la liberté qu’elle lui donne, mais elle ne l’empêche pas de le faire ; soit que de la part d’un être si foible ce mal soit nul à ses yeux ; soit qu’elle ne pût l’empêcher sans gêner sa liberté & faire un mal plus grand en dégradant sa nature. Elle l’a fait libre afin qu’il fît, non le mal, mais le bien par choix. Elle l’a mis en état de faire ce choix, en usant bien des facultés dont elle l’a doué : mais elle a tellement borné ses forces, que l’abus de la liberté qu’elle lui laisse, ne peut troubler l’ordre général. Le mal que l’homme fait, retombe sur lui, sans rien changer au systême du monde, sans empêcher que l’espece humaine elle-même ne se conserve malgré qu’elle en ait. Murmurer de ce que Dieu ne l’empêche pas de faire le mal, c’est murmurer de ce qu’il la fit d’une nature excellente, de ce qu’il mit à ses actions la moralité qui les ennoblit, de ce qu’il lui donna droit à la vertu. La suprême jouissance est dans le contentement de soi, c’est pour mériter & obtenir ce contentement que nous sommes placés sur la terre & doués de la liberté, que nous sommes tentés par les passions & retenus par la conscience. Que pouvoit de plus en notre faveur la puissance Divine elle même ? Pouvoit-elle mettre de la contradiction dans notre nature, & donner le prix d’avoir bien fait à qui n’eut pas le pouvoir de mal faire ? Quoi ! pour empêcher l’homme d’être méchant faloit-il le borner à l’instinct & le faire bête ? Non, Dieu de