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feu qui fait les grandes foiblesses, ainsi que les grandes vertus ? As-tu ce corps trop formé par l’amour, trop exposé aux périls par ses charmes & aux tentations par ses sens ? Ô que le sort d’une telle femme est à plaindre ! Quels combats n’a-t-elle point à rendre, sans relâche, sans cesse, contre autrui, contre elle-même ? Quel courage invincible, quelle opiniâtre résistance, quelle héroÏque fermeté lui sont nécessaires ! Que de dangereuses victoires n’a-t-elle pas à remporter tous les jours sans autre témoin de ses triomphes que le Ciel & son propre cœur ? Et après tant de belles années ainsi passées à souffrir, combattre & vaincre incessamment, un instant de foiblesse, un seul instant de relâche & d’oubli souille à jamais cette vie irréprochable, & déshonore tant de vertus. Femme infortunée !. hélas ! un moment d’égarement fait tous tes malheurs & les miens. Oui, son cœur est resté pur, tout me. l’assure ; il m’est trop connu pour pouvoir m’abuser. Eh qui sait dans quels piéges adroits les perfides ruses d’une femme vicieuse & jalouse de ses vertus à pu surprendre son innocente simplicité ? N’ai-je pas vu ses regrets, son repentir dans ses yeux ? N’est-ce pas sa tristesse qui m’ramené moi-même à ses pieds ? N’est-ce pas sa touchante douleur qui m’rendu toute ma tendresse ? Ah ! ce n’est pas là la conduite artificieuse d’une. infidelle, qui trompe son mari & qui se complaît dans sa trahison !

Puis venant ensuite à réfléchir plus, en détail sur sa conduite & sur son étonnante déclaration., que ne sentois-je point en voyant cette femme timide & modeste vaincre la honte par la franchise, rejetter une estime démentie par son cœur,