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détachant peu-à-peu de moi, sembloit m’en détacher moi-même, & ne laissoit plus, dans mon arme affaissée qu’un sentiment importun de vuide & d’anéantissement.. Enfin, je n’aimois plus au croyois ne plus aimer. Ce feu terrible, qui paroissoit presque éteint, couvoit sous la cendre, pour éclater bientôt avec plus de fureur que jamais.

Changement cent fois plus inconcevable ! Comment celle qui faisoit la gloire & le bonheur de ma vie en fit-elle la honte & le désespoir ? Comment décrirois-je un si déplorable égarement ? Non jamais ce détail affreux ne sortira de ma plume ni de ma bouche ; il est trop injurieux à la mémoire de la plus digne des femmes, trop accablant, trop horrible à mon souvenir, trop décourageant pour la vertu ; j’en mourrois cent fois avant qu’il fût achevé. Morale du monde, piégés du vice & de exemple, trahisons d’une fausse- amitié, inconstance & foiblesse humaine, qui de nous est à votre épreuve ? Ah ! si Sophie à souillé sa vertu, quelle femme osera compter sur la sienne ? Mais de quelle trempe unique dût être une ame qui put revenir de si loin à tout ce qu’elle fut auparavant ?

C’est de vos enfans régénérés que j’ai à vous parler. Tous leurs égaremens vous ont été connus : je n’en dirai que ce qui tient à leur retour à eux-mêmes & sert à lier les evenemens.

Sophie consolée, ou plutôt distraite par son amie & par les sociétés où elle l’entraînoit, n’avoit plus ce goût décidé pour la vie privée & pour la retraite : elle. avoit oublié ses pertes & presque ce qui lui étoit resté. Son fils en grandissant