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Croiriez-vous, mon bon ami, que de ces tristes réflexions & de ces contradictions apparentes se formerent dans mon esprit les sublimes idées de l’ame, qui n’avoient point jusques-là résulté de mes recherches ? En méditant sur la nature de l’homme, j’y crus découvrir deux principes distincts, dont l’un l’élevoit à l’étude des vérités éternelles, à l’amour de la justice & du beau moral, aux régions du monde intellectuel dont la contemplation fait les délices du sage, & dont l’autre le ramenoit bassement en lui-même, l’asservissoit à l’empire des sens, aux passions qui sont leurs ministres, & contrarioit par elles tout ce que lui inspiroit le sentiment du premier. En me sentant entraîné, combattu par ces deux mouvemens contraires je me disois : non, l’homme n’est point un ; je veux & je ne veux pas, je me sens à la fois esclave & libre ; je vois le bien, je l’aime, & je fais le mal : je suis actif quand j’écoute la raison, passif quand mes passions m’entraînent, & mon pire tourment, quand je succombe, est de sentir que j’ai pu résister.

Jeune homme, écoutez avec confiance, je serai toujours de bonne foi. Si la conscience est l’ouvrage des préjugés, j’ai tort, sans doute, & il n’y a point de morale démontrée ; mais si se préférer à tout est un penchant naturel à l’homme, & si pourtant le premier sentiment de la justice est inné dans le cœur humain, que celui qui fait de l’homme un être simple lève ces contradictions, & je ne reconnois plus qu’une substance.

Vous remarquerez que par ce mot de substance, j’entends en général l’Être doué de quelque qualité primitive & abstrac-