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EMILE ET SOPHIE, ou LES SOLITAIRES.

LETTRE PREMIERE.

J’ETOIS libre, j’étois heureux, o mon maître ! Vous m’aviez fait un cœur propre à goûter le bonheur, & vous m’aviez donne Sophie. Aux délices de l’amour, aux épanchemens de l’amitié, une famille naissante ajoutoit les charmes de la tendresse paternelle : tout m’annoncoit une vie agréable, tout me promettoit une douce vieillesse & une mort paisible dans les bras de mes enfans. Helas ! qu’est devenu ce tems heureux de jouissance & d’esperance, ou l’avenir embellissoit le présent ; ou mon cœur, ivre de sa joie, s’abreuvoit chaque jour d’un siecle de félicite ? Tout s’est évanoui comme un songe ; jeune encore j’ai tout perdu, femme, enfans, amis tout enfin, jusqu’au commerce de