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régner les charmes de la vie domestique dans la maison paternelle, faites-les régner ainsi dans la vôtre. Tout homme qui se plaît dans sa maison aime sa femme. Souvenez-vous que si votre époux vit heureux chez lui, vous serez une femme heureuse."

"Quant à présent, ne soyez pas si sévère à votre amant ; il a mérité plus de complaisance ; ils offenseroit de vos alarmes ; ne ménagez plus si fort sa santé aux dépens de son bonheur, & jouissez du vôtre. Il ne faut point attendre le dégoût ni rebuter le désir ; il ne faut point refuser pour refuser, mais pour faire valoir ce qu’on accorde."

Ensuite, les réunissant, je dis devant elle à son jeune époux : Il faut bien supporter le joug qu’on s’est imposé. Méritez qu’il vous soit rendu léger. Surtout sacrifiez aux grâces, & n’imaginez pas vous rendre plus aimable en boudant. La paix n’est pas difficile à faire, & chacun se doute aisément des conditions. Le traité se signe par un baiser. Après quoi je dis à mon élève : Cher Emile, un homme a besoin toute sa vie de conseil & de guide. J’ai fait de mon mieux pour remplir jusqu’à présent ce devoir envers vous ; ici finit ma longue tâche & commence celle d’un autre. J’abdique aujourd’hui l’autorité que vous m avez confiée, & voici désormois votre gouverneur.

Peu à peu le premier délire se calme, & leur laisse goûter en paix les charmes de leur nouvel état. Heureux amants ! dignes époux ! pour honorer leurs vertus, pour peindre leur félicité, il faudroit faire l’histoire de leur vie. Combien de fois, contemplant en eux mon ouvrage, je me sens saisi d’un