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plaît, je m’y laisse entraîner sans contrainte ; & comme je ne veux pas la combattre, je ne m’attache à rien pour me retenir. J’ai cherché dans nos voyages si je trouverois quelque coin de terre où je pusse être absolument mien ; mais en quel lieu parmi les hommes ne dépend-on plus de leurs passions ? Tout bien examiné, j’ai trouvé que mon souhoit même étoit contradictoire ; car, dussé-je ne tenir à nulle autre chose, je tiendrois au moins à la terre où je me serois fixé ; ma vie seroit attachée à cette terre comme celle des dryades l’étoit à leurs arbres ; j’ai trouvé qu’empire & liberté étant deux mots incompatibles, je ne pouvois être maître d’une chaumière qu’en cessant de l’être de moi."

Hoc erat in votis : modus agri non ita magnus.

"Je me souviens que mes biens furent la cause de nos recherches. Vous prouviez très solidement que je ne pouvois garder à la fois ma richesse & ma liberté ; mais quand vous vouliez que je fusse à la fois libre & sans besoins, vous vouliez deux choses incompatibles, car je ne saurois me tirer de la dépendance des hommes qu’en rentrant sous celle de la nature. Que ferai-je donc avec la fortune que mes parents m’ont laissée ? Je commencerai par n’en point dépendre ; je relâcherai tous les liens qui m’y attachent. Si on me la laisse, elle me restera ; si on me l’ôte, on ne m’entraînera point avec elle. Je ne me tourmenterai point pour la retenir, mais je resterai ferme à ma place. Riche ou pauvre, je serai libre. Je ne le serai point