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Cette étude des divers peuples dans leurs provinces reculées, & dans la simplicité de leur génie originel, donne une observation générale bien favorable à mon épigraphe, & bien consolante pour le cœur humain ; c’est que toutes les nations, ainsi observées, paraissent en valoir beaucoup mieux ; plus elles se rapprochent de la nature, plus la bonté domine dans leur caractère ; ce n’est qu’en se renfermant dans les villes, ce n’est qu’en s’altérant à force de culture, qu’elles se dépravent, et qu’elles changent en vices agréables & pernicieux quelques défauts plus grossiers que malfaisants.

De cette observation résulte un nouvel avantage dans la manière de voyager que je propose, en ce que les jeunes gens, séjournant peu dans les grandes villes où règne une horrible corruption, sont moins exposés à la contracter, & conservent parmi des hommes plus simples, & dans des sociétés moins nombreuses, un jugement plus sûr, un goût plus sain, des mœurs plus honnêtes. Mais, au reste, cette contagion n’est guère à craindre pour mon Emile ; il a tout ce qu’il faut pour s’en garantir. Parmi toutes les précautions que j’ai prises pour cela, je compte pour beaucoup l’attachement qu’il a dans le cœur.

On ne sait plus ce que peut le véritable amour sur les inclinations des jeunes gens, parce que, ne le connaissant pas mieux qu’eux, ceux qui les gouvernent les en détournent. Il faut pourtant qu’un jeune homme aimé ou qu’il soit débauché. Il est aisé d’en imposer par les apparences. On me citera mille jeunes gens qui, dit-on, vivent fort chastement sans amour ; mais qu’on me cite un homme fait, un véritable homme qui