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teur ? Son Livre seroit aussi gros que le monde, qu’il n’auroit pas épuisé son sujet ; & sitôt qu’on veut entrer dans les détails, la plus grande merveille échappe, qui est l’harmonie & l’accord du tout. La seule génération des corps vivans & organisés est l’abyme de l’esprit humain ; la barriere insurmontable que la Nature a mise entre les diverses especes afin qu’elles ne se confondissent pas, montre ses intentions avec la derniere évidence. Elle ne s’est pas contentée d’établir l’ordre, elle a pris des mesures certaines pour que rien ne pût le troubler.

Il n’y a pas un être dans l’Univers qu’on ne puisse, à quelque égard, regarder comme le centre commun de tous les autres, autour duquel ils sont tous ordonnés, en sorte qu’ils sont tous réciproquement fins & moyens les uns relativement aux autres. L’esprit se confond & se perd dans cette infinité de rapports, dont pas un n’est confondu ni perdu dans la foule. Que d’absurdes suppositions pour déduire toute cette harmonie de l’aveugle méchanisme de la matiere mue fortuitement ! Ceux qui nient l’unité d’intention qui se manifeste dans les rapports de toutes les parties de ce grand tout, ont beau couvrir leur galimatias d’abstractions, de co-ordinations, de principes généraux, de termes emblématiques ; quoi qu’ils fassent, il m’est impossible de

    les Satyres & les Nymphes ont été engendrés par la chymie. En effet, je ne vois pas trop qu’il reste désormais autre chose à faire pour établir la possibilité de ces faits, si ce n’est d’avancer que la matiere organique résiste à l’ardeur du feu, & que ses molécules peuvent se conserver en vie dans un fourneau de réverbère.