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d’esclavage, nous discuterons si cet acte ne devient pas alors un vrai contrat, dans lequel chacun des deux contractants, n’ayant point en cette qualité de supérieur commun,*

[*S’ils en avoient un, ce supérieur commun ne seroit autre que le souveraineté, & alors le droit d’esclavage, fonde sur le droit de souveraineté, n’en seroit pas le principe.] restent leurs propres juges quant aux conditions du contrat, par conséquent libres chacun dans cette partie, & maîtres de le rompre sitôt qu’ils s’estiment lésés.

Que si donc un esclave ne peut s’aliéner sans réserve à son maître, comment un peuple peut-il s’aliéner sans réserve à son chef ? & si l’esclave reste juge de l’observation du contrat par son maître, comment le peuple ne restera-t-il pas juge de l’observation du contrat par son chef ?

Forcés de revenir ainsi sur nos pas, et considérant le sens de ce mot collectif de peuple, nous chercherons si, pour l’établir, il ne faut pas un contrat, au moins tacite, antérieur à celui que nous supposons.

Puisque avant de s’élire un roi le peuple est un peuple, qu’est-ce qui l’a fait tel sinon le contrat social ? Le contrat social est donc la base de toute société civile, et c’est dans la nature de cet acte qu’il faut chercher celle de la société qu’il forme.

Nous rechercherons quelle est la teneur de ce contrat, & si l’on ne peut pas à peu près l’énoncer par cette formule : Chacun de nous met en commun ses biens, sa personne, sa vie, & toute sa puissance, sous la suprême direction de la volonté générale, & nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout.