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pas seul juge naturel de ce qui convient à sa conservation, par conséquent son propre maître, & indépendant de tout autre homme, même de son père ; car il est encore plus sûr que le fils s’aime lui-même, qu’il n’est sûr que le père aime le fils.

Si, le père mort, les enfans sont tenus d’obéir à leur aîné ou à quelque autre qui n’aura pas pour eux l’attachement naturel d’un père ; & si de race en race, il y aura toujours un chef unique, auquel toute la famille soit tenue d’obéir. Auquel cas on chercheroit comment l’autorité pourroit jamais être partagée, & de quel droit il y auroit sur la terre entière plus d’un chef qui gouvernât le genre humain.

Supposé que les peuples se fussent formés par choix, nous distinguerons alors le droit du fait ; & nous demanderons si, s’étant ainsi soumis à leurs frères, oncles ou parents, non qu’ils y fussent obligés, mais parce qu’ils l’ont bien voulu, cette sorte de société ne rentre pas toujours dans l’association libre & volontaire.

Passant ensuite au droit d’esclavage, nous examinerons si un homme peut légitimement s’aliéner à un autre, sans restriction, sans réserve, sans aucune espèce de condition ; c’est-à-dire s’il peut renoncer à sa personne, à sa vie, à sa raison, à son moi, à toute moralité dans ses actions, & cesser en un mot d’exister avant sa mort, malgré la nature qui le charge immédiatement de sa propre conservation, & malgré sa conscience & sa raison qui lui prescrivent ce qu’il doit faire & ce dont il doit s’abstenir.

Que s’il y a quelque réserve, quelque restriction dans l’acte