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des principes ; elle peut rester fort honnête & cesser de vous aimer. Elle sera constante & fidèle, je penche à le croire ; mais qui vous répond d’elle et qui lui répond de vous, tant que vous ne vous êtes point mis à l’épreuve ? Attendrez-vous, pour cette épreuve, qu’elle vous devienne inutile ? Attendrez-vous, pour vous connaître, que vous ne puissiez plus vous séparer ?"

"Sophie n’a pas dix huit ans ; à peine en passez-vous vingt-deux ; cet âge est celui de l’amour, mais non celui du mariage. Quel père & quelle mère de famille ! Eh ! pour savoir élever des enfants, attendez au moins de cesser de l’être. Savez-vous à combien de jeunes personnes les fatigues de la grossesse supportées avant l’âge ont affaibli la constitution, ruiné la santé, abrégé la vie ? Savez-vous combien d’enfants sont restés languissants & faibles, faute d’avoir été nourris dans un corps assez formé ? Quand la mère & l’enfant croissent à la fois, & que la substance nécessaire à l’accroissement de chacun des deux se partage, ni l’un ni l’autre n’a ce que lui destinoit la nature : comment se peut-il que tous deux n’en souffrent pas ? Ou je connois fort mal Emile, ou il aimera mieux avoir plus tard une femme & des enfans robustes, que de contenter son impatience aux dépens de leur vie & de leur santé."

"Parlons de vous. En aspirant à l’état d’époux & de père, en avez-vous bien médité les devoirs ? En devenant chef de famille, vous allez devenir membre de l’Etat. & qu’est-ce qu’être membre de l’Etat ? le savez-vous ? Vous avez étudié vos devoirs d’homme, mais ceux de citoyen, les connoissez-vous ? savez-vous ce