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Si chaque atome ou molécule de matiere ne faisoit que tourner sur son propre centre, jamais rien ne sortiroit de sa place, & il n’y auroit point de mouvement communiqué ; encore même faudroit-il que ce mouvement circulaire fût déterminé dans quelque sens. Donner à la matiere le mouvement par abstraction, c’est dire des mots qui ne signifient rien ; & lui donner un mouvement déterminé, c’est supposer une cause qui le détermine. Plus je multiplie les forces particulieres, plus j’ai de nouvelles causes à expliquer, sans jamais trouver aucun agent commun qui les dirige. Loin de pouvoir imaginer aucun ordre dans le concours fortuit des élémens, je n’en puis pas même imaginer le combat, & le cahos de l’Univers m’est plus inconcevable que son harmonie. Je comprends que le méchanisme du monde peut n’être pas intelligible à l’esprit humain ; mais sitôt qu’un homme se mêle de l’expliquer, il doit dire des choses que les hommes entendent.

Si la matiere mue me montre une volonté, la matiere mue selon de certaines loix me montre une intelligence : c’est mon second article de foi. Agir, comparer, choisir, sont des opérations d’un être actif & pensant : donc cet être existe. Où le voyez-vous exister, m’allez-vous dire ? Non-seulement dans les Cieux qui roulent, dans l’astre qui nous éclaire ; non-seulement dans moi-même, mais dans la brebis qui paît, dans l’oiseau qui vole, dans la pierre qui tombe, dans la feuille qu’emporte le vent.

Je juge de l’ordre du monde quoique j’en ignore la fin, parce que pour juger de cet ordre il me suffit de comparer