Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/355

Cette page n’a pas encore été corrigée

semble établir le sentiment opposé sans réplique. Est-ce l’opinion des hommes qui apprend aux coqs à se mettre en pièces, & aux taureaux à se battre jusqu’à la mort ?

L’aversion contre tout ce qui trouble & combat nos plaisirs est un mouvement naturel, cela est incontestable. Jusqu’à certain point le désir de posséder exclusivement ce qui nous plaît est encore dans le même cas. Mais quand ce désir, devenu passion, se transforme en fureur ou en une fantaisie ombrageuse et chagrine appelée jalousie, alors c’est autre chose ; cette passion peut être naturelle, ou ne l’être pas ; il faut distinguer.

L’exemple tiré des animaux a été ci-devant examiné dans le Discours sur l’Inégalité ; & maintenant que j’y réfléchis de nouveau, cet examen me paraît assez solide pour oser y renvoyer les lecteurs. J’ajouterai seulement aux distinctions que j’ai faites dans cet écrit que la jalousie qui vient de la nature tient beaucoup à la puissance du sexe, & que, quand cette puissance est ou paroit être illimitée, cette jalousie est à son comble ; car le mâle alors, mesurant ses droits sur ses besoins, ne peut jamais voir un autre mâle que comme un importun concurrent. Dans ces mêmes espèces, les femelles, obéissant toujours au premier venu, n’appartiennent aux mâles que par le droit de conquête, & causent entre eux des combats éternels.

Au contraire, dans les espèces où un s’unit avec une, où l’accouplement produit une sorte de lien moral, une sorte de mariage, la femelle, appartenant par son choix au mâle qu’elles est donné, se refuse communément à tout autre, &