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spontanéité aux fluides, ni au feu même qui fait leur fluidité [1].

Vous me demanderez si les mouvements des animaux sont spontanés ; je vous dirai que je n’en sais rien, mais que l’analogie est pour l’affirmative. Vous me demanderez encore comment je sais donc qu’il y a des mouvemens spontanées ; je vous dirai que je le sais parce que je le sens. Je veux mouvoir mon bras & je le meus, sans que ce mouvement ait d’autre cause immédiate que ma volonté. C’est en vain qu’on voudroit raisonner pour détruire en moi ce sentiment, il est plus fort que toute évidence ; autant vaudroit me prouver que je n’existe pas.

S’il n’y avoit aucune spontanéité dans le actions des hommes, ni dans rien de ce qui se fait sur la terre, on n’en seroit que plus embarrassé à imaginer la premiere cause de tout mouvement. Pour moi, je me sens tellement persuadé que l’état naturel de la matiere est d’être en repos, & qu’elle n’a par elle-même aucune force pour agir, qu’en voyant un corps en mouvement je juge aussi-tôt, ou que c’est un corps animé, ou que ce mouvement lui a été communiqué. Mon esprit refuse tout acquiescement à l’idée de la matiere non organisée, se mouvant d’elle-même, ou produisant quelque action.

Cependant cet Univers visible est matiere, matiere éparse

  1. (26) Les Chymistes regardent le Phlogistique ou l’élément du feu comme épars, immobile, & stagnant dans les mixtes dont il fait partie, jusqu’à ce que des causes étrangeres le dégagent, le réunissent, le mettent en mouvement, & le changent en feu.