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sagement & pieusement a sans doute de fortes armes contre les tentations ; mais celle dont on nourrit uniquement le cœur ou plutôt les oreilles du jargon de la dévotion devient infailliblement la proie du premier séducteur adroit qui l’entreprend. Jamais une jeune & belle personne ne méprisera son corps, jamais elle ne s’affligera de bonne foi des grands péchés que sa beauté fait commettre ; jamais elle ne pleurera sincèrement et devant Dieu d’être un objet de convoitise, jamais elle ne pourra croire en elle ne pourra croire en elle-même que le plus doux sentiment du cœur soit une invention de Satan. Donnez-lui d’autres raisons en dedans & pour elle-même, car celles-là ne pénétreront pas, Ce sera pis encore si l’on met, comme on n’y manque guère, de la contradiction dans ses idées, & qu’après l’avoir humiliée en avilissant son corps & ses charmes comme la souillure du péché, on lui fasse ensuite respecter comme le temple de Jésus-Christ ce même corps qu’on lui a rendu si méprisable. Les idées trop sublimes & trop basses sont également insuffisantes et ne peuvent s’associer : il faut une raison à la portée du sexe & de l’âge. La considération du devoir n’a de force qu’autant qu’on y joint des motifs qui nous portent à le remplir.

Quae quia non liceat non facit, illa facit.

On ne se douteroit pas que c’est Ovide qui porte un jugement si sévère.

Voulez-vous donc inspirer l’amour des bonnes mœurs aux jeunes personnes ; sans leur dire incessamment : Soyez sages, donnez-leur un grand intérêt à l’être ; faites-leur