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les remplit ; point d’air fâché, point de morgue. Tout ce qui doit passer au cœur doit en sortir ; leur catéchisme de morale doit être aussi court & aussi court & aussi clair que leur catéchisme de religion, mais il ne doit pas être aussi grave. Montrez-leur dans les mêmes devoirs la source de leurs plaisirs & le fondement de leurs droits. Est-il si pénible d’aimer pour être aimée, de se rendre aimable pour être heureuse, de se rendre estimable pour être obéie, de s’honorer pour se faire honorer ? Que ces droits sont beaux ! qu’ils sont respectables ! qu’ils sont chers au cœur de l’homme quand la femme sait les faire valoir ! Il ne faut point attendre les ans ni la vieillesse pour en jouir. Son empire commence avec ses vertus ; à peine ses attraits se développent, qu’elle regne déjà par la douceur de son caractere & rend sa modestie imposante. Quel homme insensible & barbare n’adoucit pas sa fierté, & ne prend pas des manieres plus attentives près d’une fille de seize ans, aimable & sage, qui parle peu, qui écoute, qui met de la décence dans son maintien & de l’honnêteté dans ses propos, à qui sa beauté ne fait oublier ni son sexe ni sa jeunesse, qui sait intéresser par sa timidité même, & s’attirer le respect qu’elle porte à tout le monde ?

Ces témoignages, bien qu’extérieurs, ne sont point frivoles ; ils ne sont point fondés seulement sur l’attrait des sens ; ils partent de ce sentiment intime que nous avons tous, que les femmes sont les juges naturels du mérite des hommes. Qui est-ce qui veut être méprisé des femmes ? personne au monde ; non pas même celui qui ne veut plus les aimer. Et moi qui leur dis des vérités si dures ; croyez-vous