Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/275

Cette page n’a pas encore été corrigée

remarque celles, qui, rebutées de tout ce fracas, s’en retournent dans leur province, contentes de leur sort, après l’avoir comparé à celui qu’envient les autres ? Combien j’ai vu de jeunes femmes, amenées dans la capitale par des maris, complaisants & maîtres de s’y fixer, les en détourner elles-mêmes, repartir plus volontiers qu’elles n’étoient venues, & dire avec attendrissement la veille de leur départ : Ah ! retournons dans notre chaumière, on y vit plus heureux que dans les palais d’ici ! On ne sait pas combien il reste encore de bonnes gens qui n’ont point fléchi le genou devant l’idole, & qui méprisent son culte insensé. Il n’y a de bruyantes que les folles ; les femmes sages ne font point de sensation.

Que si, malgré la corruption générale, malgré les préjuges universels, malgré la mauvaise éducation des filles, plusieurs gardent encore un jugement à l’épreuve, que sera-ce quand ce jugement aura été nourri par des instructions convenables, ou, pour mieux dire, qu’on ne l’aura point altéré par des instructions vicieuses ? car tout consiste toujours à conserver ou rétablir les sentiments naturels. Il ne s’agit point pour cela d’ennuyer de jeunes filles de vos longs prônes, ni de leur débiter vos sèches moralités. Les moralités pour les deux sexes sont la mort de toute bonne éducation. De tristes leçons ne sont bonnes qu’à faire prendre en haine & ceux qui les donnent & tout ce qu’ils disent. Il ne s’agit point, en parlant à de jeunes personnes, de leur, faire peur de leurs devoirs, ni d’aggraver le joug qui leur est imposé par la nature. En leur exposant ces devoirs, soyez précise & facile ; ne leur laissez pas croire qu’on est chagrine quand on