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est-il bon ? mais par cette autre, à laquelle il n’est pas plus aisé de répondre : quel effet cela fera-t-il ? Dans ce premier âge, où, ne pouvant discerner encore le bien & le mal, elles ne sont les juges de personne, elles doivent s’imposer pour lui de ne jamais rien dire que d’agréable à ceux à qui elles parlent ; & ce qui rend la pratique de cette règle plus difficile est qu’elle reste toujours subordonnée à la première, qui est de ne jamais mentir.

J’y vois bien d’autres difficultés encore, mais elles sont d’un âge plus avancé. Quant à présent, il n’en peut coûter aux jeunes filles pour être vraies que de l’être sans grossièreté ; & comme naturellement cette grossièreté leur répugne, l’éducation leur apprend aisément à l’éviter. Je remarque en général, dans le commerce du monde, que la politesse des hommes est plus officieuse & celle des femmes plus caressante. Cette différence n’est point d’institution, elle est naturelle. L’homme paraît chercher davantage à vous servir, & la femme à vous agréer. Il suit de là que, quoi qu’il en soit du caractère des femmes, leur politesse est moins fausse que la notre ; elle ne fait qu’étendre leur premier instinct ; mais quand un homme feint de préférer mon intérêt au sien propre, de quelque démonstration qu’il colore ce mensonge, Je suis très sûr qu’il en fait un. Il n’en coûte donc guère aux femmes d’être polies, ni par conséquent aux filles d’apprendre à le devenir. La première leçon vient de la nature, l’art ne fait plus que la suivre, & déterminer suivant nos usages sous que forme elle doit se montrer. À l’égard de leur politesse entre elles, c’est tout autre chose ; elles y mettent un air si contraint & des attentions si