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chés ; qu’elle est belle ! leur dit-on quand elles sont fort parées ; & tout au contraire, on devroit leur faire entendre que tant d’ajustement n’est fait que pour cacher des défauts, & que le vrai triomphe de la beauté est de briller par elle-même. L’amour des modes est de mauvais goût, parce que les visages ne changent pas avec elles, & que la figure restant la même, ce qui lui sied une fois lui sied toujours.

Quand je verrois la jeune fille se pavaner dans ses atours, je paroîtrois inquiet de sa figure ainsi déguisée & de ce qu’on en pourra penser ; je dirois, tous ces ornemens la parent trop, c’est dommage ; croyez-vous qu’elle en pût supporter de plus simples ? Est-elle assez belle pour se passer de ceci ou de cela ? Peut-être sera-t-elle alors la premiere à prier qu’on lui ôte cet ornement, & qu’on juge : c’est le cas de l’applaudir s’il y a lieu. Je ne la louerois jamais tant que quand elle seroit le plus simplement mise. Quand elle ne regardera la parure que comme un supplément aux graces de la personne, & comme un aveu tacite qu’elle a besoin de secours pour plaire, elle ne sera point fiere de son ajustement, elle en sera humble ; & si, plus parée que de coutume, elle s’entend dire, qu’elle est belle ! elle en rougira de dépit.

Au reste, il y a des figures qui ont besoin de parure, mais il n’y en a point qui exigent de riches atours. Les parures ruineuses sont la vanité du rang & non de la personne, elles tiennent uniquement au préjugé. La véritable coquetterie est quelquefois recherchée, mais elle n’est jamais fastueuse, & Junon se mettoit plus superbement que Vénus. Ne pouvant