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jours ; elle attend le moment d’être sa poupée elle-même.

Voilà donc un premier goût bien décidé : vous n’avez qu’à le suivre & le régler. Il est sûr que la petite voudroit de tout son cœur savoir orner sa poupée, faire ses nœuds de manche, son fichu, son falbala, sa dentelle ; en tout cela on la fait dépendre si durement du bon plaisir d’autrui, qu’il lui seroit plus commode de tout devoir à son industrie. Ainsi vient la raison des premieres leçons qu’on lui donne, ce ne sont pas des tâches qu’on lui prescrit, ce sont des bontés qu’on a pour elle. Et en effet, presque toutes les petites filles apprennent avec répugnance à lire & à écrire ; mais quant à tenir l’aiguille, c’est ce qu’elles apprennent toujours volontiers. Elles s’imaginent d’avance être grandes, & songent avec plaisir que ces talens pourront un jour leur servir à se parer.

Cette premiere route ouverte est facile à suivre : la couture, la broderie, la dentelle viennent d’elles-mêmes : la tapisserie n’est plus si fort à leur gré. Les meubles sont trop loin d’elles, ils ne tiennent point à la personne, ils tiennent à d’autres opinions. La tapisserie est l’amusement des femmes ; de jeunes filles n’y prendront jamais un fort grand plaisir.

Ces progrès volontaires s’étendront aisément jusqu’au dessin, car cet art n’est pas indifférent à celui de se mettre avec goût : mais je ne voudrois point qu’on les appliquât au paysage, encore moins à la figure. Des feuillages, des fruits, des fleurs, des draperies, toute ce qui peut servir à donner un contour élégant aux ajustemens, & à faire soi-même un patron de broderie quand on n’en trouve pas à son gré, cela leur suffit. En général, s’il importe aux hommes de