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question des garçons qu’on élève dans les collèges, & des filles qu’on élève dans les couvents, je ferois voir que cela est vrai, même à leur égard ; car les premières leçons que prennent les uns & les autres, les seules qui fructifient sont celles du vice ; & ce n’est pas la nature qui les corrompt, c’est j’exemple. Mais abandonnons les pensionnaires des collèges & des couvents à leurs mauvaises mœurs ; elles seront toujours sans remède. Je ne parle que de l’éducation domestique. Prenez un jeune homme élevé sagement dans la maison de son père en province, & l’examinez au moment qu’il arrive à Paris, ou qu’il entre dans le monde ; vous le trouverez pensant bien sur les choses honnêtes, et ayant la volonté même aussi saine que la raison ; vous lui trouverez du mépris pour le vice & de l’horreur pour la débauche ; au nom seul d’une prostituée, vous verrez dans ses yeux le scandale de l’innocence. Je soutiens qu’il n’y en a pas un qui put se résoudre à entrer seul dans les tristes demeures de ces malheureuses, quand même il en sauroit l’usage, & qu’il en sentiroit le besoin.

À six mois de là, considérez de nouveau le même jeune homme, vous ne le reconnaîtrez plus ; des propos libres, des maximes du haut ton, des airs dégagés le feroient prendre pour un autre homme, si ses plaisanteries sur sa première simplicité, sa honte quand on la lui rappelle, ne montroient qu’il est le même et qu’il en rougit. Ô combien il s’est formé dans peu de temps ! D’où vient un changement si grand & si brusque ? Du progrès du tempérament ? Son tempérament n’eût-il pas fait le même progrès dans la maison paternelle ? et sûrement