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J’avoue bien que si, heurtant de front ses désirs naissants, vous alliez sottement traiter de crimes les nouveaux besoins qui se font sentir à lui, vous ne seriez pas longtemps écouté ; mais sitôt que vous quitterez ma méthode, je ne réponds plus de rien. Songez toujours que vous êtes le ministre de la nature ; vous n’en serez jamais l’ennemi.

Mais quel parti prendre ? On ne s’attend ici qu’à l’alternative de favoriser ses penchants ou de les combattre d’être son tyran ou son complaisant ; & tous deux ont de si dangereuses conséquences, qu’il n’y a que trop à balancer sur le choix.

Le premier moyen qui s’offre pour résoudre cette difficulté est de le marier bien vite ; c’est incontestablement l’expédient le plus sûr & le plus naturel. Je doute pourtant que ce soit le meilleur, ni le plus utile. je dirai ci-après mes raisons ; en attendant, je conviens qu’il faut marier les jeunes gens à l’âge nubile. Mais cet âge vient pour eux avant le temps ; c’est nous qui l’avons rendu précoce ; on doit le prolonger jusqu’à la maturité.

S’il ne falloit qu’écouter les penchants & suivre les indications, cela seroit bientôt fait : mais il y a tant de contradictions entre les droits de la nature & nos lois sociales, que pour les concilier il faut gauchir & tergiverser sans cesse : il faut employer beaucoup d’art pour empêcher l’homme social d’être tout à fait artificiel.

Sur les raisons ci-devant exposées, j’estime que, par les moyens que j’ai donnés, et d’autres semblables, on peut