Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

citer quelqu’un de quitter celle où il est né, c’est le solliciter de mal faire, & par conséquent faire mal soi-même. En attendant de plus grandes lumieres, gardons l’ordre public ; dans tout pays respectons les loix, ne troublons point le culte qu’elles prescrivent ; ne portons point les Citoyens à la désobéissance ; car nous ne savons point certainement si c’est un bien pour eux de quitter leurs opinions pour d’autres, & nous savons très-certainement que c’est un mal de désobéir aux loix.

Je viens, mon jeune ami, de vous réciter de bouche ma profession de foi telle que Dieu la lit dans mon cœur : vous êtes le premier à qui je l’ai faite ; vous êtes le seul peut-être à qui je la ferai jamais. Tant qu’il reste quelque bonne croyance parmi les hommes, il ne faut point troubler les ames paisibles, ni alarmer la foi des simples par des difficultés qu’ils ne peuvent résoudre & qui les inquietent sans les éclairer. Mais quand une fois tout est ébranlé, on doit conserver le tronc aux dépens des branches ; les consciences agitées, incertaines, presque éteintes, et dans l’état où j’ai vu la vôtre, ont besoin d’être affermies & réveillée ; & pour les rétablir sur la base des vérités éternelles, il faut achever d’arracher les piliers flottans, auxquels elles pensent tenir encore.

Vous êtes dans l’âge critique où l’esprit s’ouvre à la certitude, où le cœur reçoit sa forme & son caractere, & où l’on se détermine pour toute la vie, soit en bien, soit en mal. Plus tard la substance est durcie, & les nouvelles empreintes ne marquent plus. Jeune homme, recevez dans vo-