Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/103

Cette page n’a pas encore été corrigée

doucement de l’empire ? Vont-ils dans les harems des princes de l’Asie annoncer l’évangile à des milliers de pauvres esclaves ? Qu’ont fait les femmes de cette partie du monde pour qu’aucun missionnaire ne puisse leur prêcher la foi ? Iront-elles toutes en enfer pour avoir été recluses ?

Quand il seroit vrai que l’évangile est annoncé par toute la terre, qu’y gagnerait-on ? la veille du jour que le premier missionnaire est arrivé dans un pays, il y est sûrement mort quelque’un qui n’a pu l’entendre. Or, dites-moi ce que nous ferons de ce quelque’un-là. N’y eût-il dans tout l’univers qu’un seul homme à qui l’on n’auroit jamais prêché Jésus-Christ, l’objection seroit aussi forte pour ce seul homme que pour le quart du genre humain.

Quand les ministres de l’évangile se sont fait entendre aux peuples éloignés, que leur ont-ils dit qu’on pût raisonnablement admettre sur leur parole, & qui ne demandât pas la plus exacte vérification ? Vous m’annoncez un Dieu né & mort il y a deux mille ans, à l’autre extrémité du monde, dans je ne sais quelle petite ville, et vous me dites que tous ceux qui n’auront point cru à ce mystère seront damnés. Voilà des choses bien étranges pour les croire si vite sur la seule autorité d’un homme que le ne connois point ! Pourquoi votre Dieu a-t-il fait arriver si loin de moi les événements dont il vouloit m’obliger d’être instruit ? Est-ce un crime d’ignorer ce qui se passe aux antipodes ? Puis-le deviner qu’il y a eu dans un autre hémisphère un peuple hébreu & une ville de Jérusalem ? Autant vaudrait m’obliger de savoir ce qui se fait dans la lune. Vous venez, dites-vous, me l’apprendre ; mais pourquoi