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pour empêcher qu’il ne sente les impressions de l’air [1]. Placez-le dans un grand berceau [2] bien rembourré, où il puisse se mouvoir à l’aise & sans danger. Quand il commence a se fortifier, laissez-le ramper par la chambre ; laissez-lui développer, étendre ses petits membres ; vous les verrez se renforcer de jour en jour. Comparez-le avec un enfant bien emmailloté du même âge ; vous serez étonné de la différence de leurs progrès [3].

On doit s’attendre à de grandes oppositions de la part des nourrices, à qui l’enfant bien garrotté donne moins de peine que celui qu’il faut veiller incessamment. D’ailleurs sa malpropreté devient plus sensible dans un habit ouvert ; il faut le nettoyer plus souvent. Enfin la coutume est un argument qu’on ne réfutera jamais en certains pays au gré du peuple de tous les états.

Ne raisonnez point avec les nourrices ; ordonnez, voyez

  1. On étouffe les enfans dans les villes à force de les tenir renfermés & vêtus. Ceux qui les gouvernent en sont encore à savoir que l’air froid, loin de leur faire cru mal, les renforce, & que l’air chaud les affaiblit, leur donne la fièvre & les tue.
  2. Je dis un berceau, pour employer un mot usité, faute d’autre ; car d’ailleurs je suis persuadé qu’il n’est jamais nécessaire de bercer les enfants, & que cet usage leur est souvent pernicieux.
  3. « Les anciens Péruviens laissoient les bras libres aux enfans dans un maillot fort large ; lorsqu’ils les en tiroient, ils les mettoient en liberté dans un trou fait en terre & garni de linges, dans lequel ils les descendoient jusqu’à la moitié du corps ; de cette façon, ils avoient les bras libres, & ils pouvoient mouvoir leur tête et fléchir leur corps à leur gré, sans tomber & sans se blesser. Dès qu’ils pouvoient faire un pas, on leur présentoit la mamelle d’un peu loin, comme un appât pour les obliger à marcher. Les petits nègres sont quelquefois dans une situation bien plus fatigante pour téter : ils em-