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qu’il soit né. Quand je pourrois choisir, je ne prendrois qu’un esprit commun, tel que je suppose mon Éleve. On n’a besoin d’élever que les hommes vulgaires ; leur éducation doit seule servir d’exemple à celle de leurs semblables. Les autres s’élevent malgré qu’on en ait.

Le pays n’est pas indifférent à la culture des hommes ; ils ne sont tout ce qu’ils peuvent être que dans les climats tempérés. Dans les climats extrêmes le désavantage est visible. Un homme n’est pas planté comme un arbre dans un pays pour y demeurer toujours, & celui qui part d’un des extrêmes pour arriver à l’autre, est forcé de faire le double du chemin que fait pour arriver au même terme celui qui part du terme moyen.

Que l’habitant d’un pays tempéré parcoure successivement les deux extrêmes, son avantage est encore évident : car bien qu’il soit autant modifié que celui qui va d’un extrême à l’autre, il s’éloigne pourtant de la moitié moins de sa constitution naturelle. Un François vit en Guinée & en Laponie ; mais un Négre ne vivra pas de même à Tornea, ni un Samoyéde au Benin. Il paroit encore que l’organisation du cerveau est moins parfaite aux extrêmes. Les Négres ni les Lapons n’ont pas le sens des Européens. Si je veux donc que mon Élève puisse être habitant de la terre, je le prendrai dans une zone tempérée ; en France, par exemple, plutôt qu’ailleurs.

Dans le Nord les hommes consomment beaucoup sur un sol ingrat ; dans le Midi ils consomment peu sur un sol fertile. De-là nait une nouvelle différence qui rend les uns