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Ô Jupiter ! car de toi rien sinon
Je ne connois seulement que le nom[1].

Nous tenons que nul enfant mort avant l’âge de raison ne sera privé du bonheur éternel ; les Catholiques croient la même chose de tous les enfants qui ont reçu le baptême, quoiqu’ils n’aient jamais entendu parler de Dieu. Il y a donc des cas où l’on peut être sauvé sans croire en Dieu, & ces cas ont lieu, soit dans l’enfance, soit dans la démence, quand l’esprit humain est incapable des opérations nécessaires pour reconnoître la Divinité. Toute la différence que je vois ici entre vous & moi, est que vous prétendez que les enfans ont à sept ans cette capacité, & que je ne la leur accorde pas même à quinze. Que j’aie tort ou raison, il ne s’agit pas ici d’un article de foi, mais d’une simple observation d’histoire naturelle.

Par le même principe, il est clair que tel homme parvenu jusqu’à la vieillesse sans croire en Dieu, ne sera pas pour cela privé de sa présence dans l’autre vie si son aveuglement n’a pas été volontaire, & je dis qu’il ne l’est pas toujours. Vous en convenez pour les insensés qu’une maladie prive de leurs facultés spirituelles, mais non de leur qualité d’homme, ni par conséquent du droit aux bienfaits de leur Créateur. Pourquoi donc n’en pas convenir pour ceux qui, séquestrés de toute société dès leur enfance, auroient

  1. (22) Plutarque, Traité de l’Amour, trad. d’Amyot. C’est ainsi que commençoit d’abord la Tragédie de Ménalippe ; mais les clameurs du Peuple d’Athenes forcerent Euripide à changer ce commencement.