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plus de peine à l’acquérir qu’à le devenir lui-même. Veut-il donc se faire un ami ? Qu’il éleve son fils pour l’être ; le voilà dispensé de le chercher ailleurs, & la nature a déjà fait la moitié de l’ouvrage.

Quelqu’un dont je ne connois que le rang m’a fait proposer d’élever son fils. Il m’a fait beaucoup d’honneur sans doute ; mais, loin de se plaindre de mon refus, il doit se louer de ma discrétion. Si j’avois accepté son offre & que j’eusse erré dans ma méthode, c’étoit une éducation manquée : si j’avois réussi, c’eût été bien pis. Son fils auroit renié son titre ; il n’eût plus voulu être Prince.

Je suis trop pénétré de la grandeur des devoirs d’un Précepteur, je sens trop mon incapacité pour accepter jamais un pareil emploi de quelque part qu’il me soit offert ; & l’intérêt de l’amitié même, ne seroit pour moi qu’un nouveau motif de refus. Je crois qu’après avoir lu ce livre, peu de gens seront tentés de me faire cette offre, & je prie ceux qui pourroient l’être de n’en plus prendre l’inutile peine. J’ai fait autrefois un suffisant essai de ce métier pour être assuré que je n’y suis pas propre, & mon état m’en dispenseroit quand mes talens m’en rendroient capable. J’ai cru devoir cette déclaration publique à ceux qui paroissent ne pas m’accorder assez d’estime pour me croire sincere & fondé dans mes résolutions.

Hors d’état de remplir la tâche la plus utile, j’oserai du moins essayer de la plus aisée ; à l’exemple de tant d’autres je ne mettrai point la main à l’œuvre, mais à la