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lui-même ; mais à tout âge il est permis d’être bienfaisant, à tout âge on peut protéger, sous la direction d’un homme sage, les malheureux qui n ont besoin que d’appui.

Les nourrices, les mères s’attachent aux enfants par les soins qu’elles leur rendent ; l’exercice des vertus sociales forte au fond des cœurs l’amour de l’humanité : c’est en faisant le bien qu’on devient bon ; je ne connois point de pratique plus sûre. Occupez votre élève à toutes les bonnes actions qui sont à sa portée ; que l’intérêt des indigents soit toujours le sien ; qu il ne les assiste pas seulement de sa bourse, mais de ses soins ; qu’il les serve, qu’il les protège, qu’il leur consacre sa personne et son temps ; qu’il se fasse leur homme d’affaires : il ne remplira de sa vie un si noble emploi. Combien d’opprimés, qu’on n’eût jamais écoutés, obtiendront justice, quand il la demandera pour eux avec cette intrépide fermeté que donne l’exercice de la vertu ; quand il forcera les portes des grands & des riches, quand il ira, s’il le faut, jusqu au pied du trône faire entendre la voix des infortunés, à qui tous les abords sont fermés par leur misère, & que la crainte d’être punis des maux qu’on leur fait empêche même d’oser s’en plaindre !

Mais ferons-nous d’Émile un chevalier errant, un redresseur de torts, un paladin ? Ira-t-il s’ingérer dans les affaires, publiques, faire le sage & le défenseur des lois chez les grands, chez les magistrats, chez le prince, faire le solliciteur chez les juges & l’avocat dans les tribunaux ? Je ne sais rien de tout cela. Les noms badins & ridicules ne changent rien à la nature des choses. Il fera tout ce qu’il