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de connaissance morale qu’on ne puisse acquérir par l’expérience d’autrui ou par la sienne. Dans les cas où cette expérience est dangereuse, au lieu de la faire soi-même, on tire sa leçon de l’histoire. Quand l’épreuve est sans conséquence, il est bon que le jeune homme y reste exposé ; puis, au moyen de l’apologue, on rédige en maximes les cas particuliers qui lui sont connus.

Je n’entends pas pourtant que ces maximes doivent être développées, ni même énoncées. Rien n’est si vain, si mai entendu, que la morale par laquelle on termine la plupart des fables ; comme si cette morale n’étoit pas ou ne devoit pas être étendue dans la fable même, de manière à la rendre sensible au lecteur ! Pourquoi donc, en ajoutant cette morale à la fin, lui ôter le plaisir de la trouver de son chef ? Le talent d’instruire est de faire que le disciple se plaise à l’instruction. Or, pour qu’il s’y plaise, il ne faut pas que son esprit reste tellement : passif à tout ce que vous lui dites, qu’il n’ait absolument rien à faire pour vous entendre. Il faut que l’amour propre du maître laisse toujours quelque prise au sien ; il faut qu’il se puisse dire : je conçois, je pénètre, j’agis, je m’instruis. Une des choses qui rendent ennuyeux le pantalon de la comédie italienne, est le soin qu’il prend d’interpréter au parterre des platises qu’on n’entend déjà que trop. Je ne veux point qu’un gouverneur soit Pantalon, encore moins un auteur. Il faut toujours se faire entendre ; mais il ne faut pas toujours tout dire : celui qui dit tout dit peu de choses, car à la fin on ne l’écoute plus. Que signifient ces quatre vers que La Fontaine ajoute à la fable de la grenouille qui