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îles retiennent, & non des spectacles qui les excitent ; donnez le change à leur imagination naissante par des objets qui, loin d’enflammer leurs sens, en répriment l’activité. éloignez-les des grandes villes, ou la parure & l’immodestie des femmes hâtent & préviennent les leçons de la nature, où tout présente à leurs yeux des plaisirs qu’ils ne doivent connoître que quand ils sauront les choisir. Ramenez-les dans leurs premières habitations, où la simplicite champêtre laisse es passions de leur âge se développer moins rapidement ; ou si leur goût pour les arts les attache encore à la ville, prévenez en eux, par ce goût même dangereuse oisiveté. Choisissez avec soin leurs sociétés, leurs occupations, leurs plaisirs : ne leur montrez que des tableaux touchants, mais modestes, qui les remuent sans les séduire, & qui nourrissent leur sensibilité sans émouvoir leurs sens. Songez aussi qu’il y a partout quelques excès à craindre, & que les passions immodérées font toujours de mal qu’on n’en veut éviter. Il ne s’agit pas de faire de votre élève un garde-malade, un frère de la charité, d’affliger ses regards par des objets continuels de douleurs & de souffrances, de le promener d’infirme en infirme, d’hôpital en hôpital, & de la Grève aux prisons ; il faut le toucher & non l’endurcit à l’aspect des misères humaines. Longtemps frappé des mêmes spectacles, on n’en sent plus les impressions ; l’habitude accoutume à tout ; ce qu’on voit trop on ne l’imagine plus, & ce n’est que l’imagination qui nous fait sentir les maux d’autrui : c’est ainsi qu’à force de voir mourir & souffrir, les prêtres & les médecins deviennent impitoyables. Que votre élève connaisse