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compare, n est jamais content & ne sauroit l’être, parce que ce sentiment, en nous préférant aux autres, que les autres nous préfèrent à eux ; ce qui est impossible. Voilà comment les passions douces & affectueuses naissent de l’amour de soi, & comment les passions haineuses & irascibles naissent l’amour-propre. Ainsi, ce qui rend l’homme essentiellement bon est d’avoir peu de besoins, & de peu se comparer aux autres ; ce qui le rend essentiellement méchant est d’avoir beaucoup de besoins, & de tenir beaucoup à l’opinion. Sur ce principe il est aisé de voir comment on peut : dirige au bien ou au mal toutes les passions des enfants & de hommes. Il est vrai que, ne pouvant vivre toujours seuls, ils vivront difficilement toujours bons : cette difficulté même augmentera nécessairement avec leurs relations ; & c’est en ceci surtout que les dangers de la société nous rendent l’art & les soins plus indispensables pour prévenir dans le cœur humain la dépravation qui naît de ses nouveau besoins.

L’étude convenable à l’homme est celle de ses rapports. Tant qu’il ne se connaît que par son être physique, il doit s’étudier par ses rapports avec les choses : c’est l’emploi de son enfance ; quand il commence à sentir son être moral, il doit s’étudier par ses rapports avec les hommes : c’est l’emploi de sa vie entière, à commencer au point où nous voilà parvenus.

Sitôt que l’homme a besoin d’une compagne, il n’est plus un être isolé, son cœur n’est plus seul. Toutes ses relations avec son espèce, toutes les affections de son âme naissent