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de la monnoie n’est qu’une attestation que la piece ainsi marquée est d’un tel poids, & le Prince seul a droit de battre monnoie, attendu que lui seul a droit d’exiger que son témoignage fasse autorité parmi tout un peuple.

L’usage de cette invention ainsi expliqué se fait sentir au plus stupide. Il est difficile de comparer immédiatement des choses de différentes natures, du drap, par exemple, avec du bled ; mais quand on a trouvé une mesure commune, savoir la monnoie, il est aisé au fabricant & au laboureur de rapporter la valeur des choses qu’ils veulent échanger à cette mesure commune. Si telle quantité de drap vaut une telle somme d’argent, & que telle quantité de bled vaille aussi la même somme d’argent, il s’ensuit que le marchand recevant ce bled pour son drap fait un échange équitable. Ainsi c’est par la monnoie que les biens d’especes diverses deviennent commensurables, & peuvent se comparer.

N’allez pas plus loin que cela, & n’entrez point dans l’explication des effets moraux de cette institution. En toute chose il importe de bien exposer les usages avant de montrer les abus. Si vous prétendiez expliquer aux enfans comment les signes font négliger les choses, comment de la monnoie sont nées toutes les chimeres de l’opinion, comment les pays riches d’argent doivent être pauvres de tout, vous traiteriez ces enfans non-seulement en philosophes, mais en hommes sages, & vous prétendiez leur faire entendre ce que peu de philosophes même ont bien conçu.

Sur quelle abondance d’objets intéressans ne peut-on point tourner ainsi la curiosité d’un Éleve, sans jamais quitter les