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dès le lendemain. Il faut parler tant qu’on peut par les actions, & ne dire que ce qu’on ne sauroit faire.

Le Lecteur ne s’attend pas que je le méprise assez, pour lui donner un exemple sur chaque espece d’étude : mais de quoi qu’il soit question, je ne puis trop exhorter le gouverneur à bien mesurer sa preuve sur la capacité de l’Éleve ; car encore une fois, le mal n’est pas dans ce qu’il n’entend point, mais dans ce qu’il croit entendre.

Je me souviens que voulant donner à un enfant du goût pour la chymie, après lui avoir montré plusieurs précipitations métalliques, je lui expliquois comment se faisoit l’encre. Je lui disois que sa noirceur ne venoit que d’un fer très-divisé, détaché du vitriol, & précipité par une liqueur alcaline. Au milieu de ma docte explication, le petit traître m’arrêta tout court avec ma question que je lui avois apprise : me voilà fort embarrassé.

Après avoir un peu rêvé, je pris mon parti. J’envoyai chercher du vin dans la cave du maître de la maison, & d’autre vin à huit sols chez un marchand de vin. Je pris dans un petit flacon de la dissolution d’alcali fixe : puis ayant devant moi dans deux verres de ces deux différens vins [1], je lui parlai ainsi.

On falsifie plusieurs denrées pour les faire paroître meilleures qu’elles ne sont. Ces falsifications trompent l’œil & le goût ; mais elles sont nuisibles, & rendent la chose

  1. (2) À chaque explication qu’on veut donner à l’enfant, un petit appareil qui la précéde sert beaucoup à le rendre attentif.