Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/312

Cette page n’a pas encore été corrigée

homme de savoir ? Tâchez d’apprendre à l’enfant tout qui est utile à son âge, & vous verrez que tout son tems sera plus que rempli. Pourquoi voulez-vous, au préjudice des études qui lui conviennent aujourd’hui, l’appliquer à celles d’un âge auquel il est si peu sûr qu’il parvienne ? Mais, direz-vous, sera-t-il tems d’apprendre ce qu’on doit savoir quand le moment sera venu d’en faire usage ? Je l’ignore : mais ce que je sais, c’est qu’il est impossible de apprendre plus tôt ; car nos vrais maîtres sont l’expérience & le sentiment, et jamais l’homme ne sent bien ce qui convient a l’homme que dans les rapports où il s’est trouve. Un enfant sait qu’il est fait pour devenir homme, toutes les idées qu’il peut avoir de l’état d’homme sont des occasions d’instruction pour lui ; mais sur les idées de cet état qui ne sont pas à sa portée il doit rester dans une ignorance absolue. Tout mon livre n’est qu’une preuve continuelle de ce principe d’éducation.

Sitôt que nous sommes parvenus à donner à notre Eleve une idée du mot utile, nous avons une grande prise de plus pour le gouverner ; car ce mot le frappe beaucoup attendu qu’il n’a pour lui qu’un sens relatif à son âge, et’qu’il en voit clairement le rapport à son bien-être actuel. Vos enfants ne sont point frappés de ce mot parce que vous n’avez pas eu soin de leur en donner une idée qui soit à leur portée, & que d’autres se chargeant toujours de pourvoir à ce qui leur est utile, ils n’ont jamais besoin d’y songer eux-mêmes, & ne savent ce que c’est qu’utilité.

À quoi cela est-il bon ? Voilà désormois le