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instruments ne soient point si parfaits et si justes, & que nous ayons des idées plus nettes de ce qu’ils doivent être, & des opérations qui doivent en résulter. Pour ma première leçon de statique, au lieu d’aller chercher des balances, je mets un bâton en travers sur le dos d’une chaise, je mesure la longueur des deux parties du bâton en équilibre, j’ajoute de part et d’autre des poids, tantôt égaux, tantôt inégaux ; &, part & ou le poussant autant qu’il est nécessaire, je trouve enfin que l’équilibre résulte d’une proportion réciproque entre la quantité des poids & la longueur des leviers. Voilà déjà mon petit physicien capable de rectifier des balances avant que d’en avoir vu.

Sans contredit on prend des notions bien plus claires & bien plus sûres des choses qu’on apprend ainsi de soi-même, que de celles qu’on tient des enseignements d’autrui ; &, outre qu’on n’accoutume point sa raison à se soumettre servilement à l’autorité, l’on se rend plus ingénieux à trouver des rapports, à lier des idées, à inventer des instruments, que quand, adoptant tout cela tel qu’on nous le donne, nous laissons affaisser notre esprit dans la nonchalance, comme le corps d’un homme qui, toujours habillé, chaussé, servi par ses gens & traîné par ses chevaux, perd à la fin la force & l’usage de ses membres. Boileau se vantoit d’avoir appris à Racine à rimer difficilement. Parmi tant d’admirables méthodes pour abréger l’étude des sciences, nous aurions grand besoin que quelqu’un nous en donnât une pour les apprendre avec effort.

L’avantage le plus sensible de ces lentes & laborieuses