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féliciter, & le prie de l’honorer encore le lendemain de sa présence, ajoutant qu’il aura soin d’assembler plus de monde encore pour applaudir a son habileté. Mon petit naturaliste enorgueilli veut babiller, mais sur-le-champ je lui ferme la bouche, & l’emmène comblé d’éloges.

L’enfant, jusqu’au lendemain, compte les minutes avec une risible inquiétude. Il invite tout ce qu’il rencontre ; il voudroit que tout le genre humain fût témoin de sa gloire ; il attend l’heure avec peine, il la devance ; on vole au rendez-vous ; la salle est déjà pleine. En entrant, son jeune cœur s’épanouit. D’autres jeux doivent précéder ; le joueur de gobelets se surpasse & fait des choses surprenantes. L’enfant ne voit rien de tout cela ; il s’agite, il sue, il respire à peine ; il passe son temps à manier dans sa poche son morceau du pain d’une main tremblante d’impatience. Enfin son tour vient ; le maître l’annonce au public avec pompe. Il s’approche un peu honteux, il tire son pain… Nouvelle vicissitude des choses humaines ! Le canard, si privé la veille, est de venu sauvage aujourd’hui ; au lieu de présenter le bec, il tourne la queue & s’enfuit ; il évite le pain & la main qui le présente avec autant de soin qu’il les suivoit auparavant. Après mille essais inutiles et toujours hués, l’enfant se plaint, dit qu’on le trompé, que c’est un autre canard n’on a substitué au premier, & défie le joueur de gobelets qu’on a celui-ci.

Le joueur de gobelets, sans répondre, prend un morceau de pain, le présente au canard ; à l’instant le canard suit le pain, & vient à la main qui le retire. L’enfant prend le même