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accourent en foule ; c’est d’eux qu’il le faut préserver. Mais si vous regardez la science en elle-même, vous entrez dans une mer sans fond, sans rive, toute pleine d’écueils ; vous ne vous en tirerez jamais. Quand je vois un homme épris de l’amour des connaissances se laisser séduire à leur charme et courir de l’une à l’autre sans savoir s’arrêter, je crois voir un enfant sur le rivage amassant des coquilles, & commençant par s’en charger, puis, tenté par celles qu’il voit encore, en rejeter, en reprendre, jusqu’à ce qu’accablé de leur multitude & ne sachant plus que choisir, il finisse par tout jeter & retourne à vide.

Durant le premier âge, le tems étoit long : nous ne cherchions qu’à le perdre, de peur de le mal employer. Ici c’est tout le contraire, & nous n’en avons pas assez pour faire tout ce qui seroit utile. Songez que les passions approchent, & que, sitôt qu’elles frapperont à la porte, votre Eleve n’aura plus d’attention que pour elles. L’âge paisible d’intelligence est si court il passe si rapidement il a tant d’autres usages nécessaires, que c’est une folie de vouloir d’autres usages nécessaires, que c’est une folie de vouloir qu’il suffise a rendre un enfant savant. Il ne s’agit point de lui enseigner les sciences, mais de lui donner du goût pour les aimer & des méthodes pour les apprendre quand ce goût sera mieux développé. C’est là très certainement un principe fondamental de toute bonne éducation.

Voici le tems aussi de l’accoutumer peu à peu à donner une attention suivie au même objet : mais ce n’est jamais la contrainte, c’est toujours le plaisir ou le désir qui doit produire cette attention ; il faut avoir grand soin qu’elle ne