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au lieu que lorsqu’il faut nécessairement leur apprendre ceci ou cela, comme qu’on s’y prenne, il est toujours impossible qu’on en vienne à bout sans contrainte, sans fâcherie & sans ennui.

Ce que j’ai dit sur les deux sens dont l’usage est le plus continu & le plus important, peut servir d’exemple de la maniere d’exercer les autres. La vue & le toucher s’appliquent également sur les corps en repos & sur les corps qui se meuvent ; mais comme il n’y a que l’ébranlement de l’air qui puisse émouvoir le sens de l’ouie, il n’y a qu’un corps en mouvement qui fasse du bruit ou du son, & si tout étoit en repos, nous n’entendrions jamais rien. La nuit donc où, ne nous mouvant nous-mêmes qu’autan qu’il nous plait, nous n’avons à craindre que les corps qui se meuvent, il nous importe d’avoir l’oreille alerte, de pouvoir juger par la sensation qui nous frappe, si le corps qui la cause est grand ou petit, éloigné ou proche, si son ébranlement est violent ou foible. L’air ébranlé est sujet à des répercussions qui le réfléchissent, qui produisant des échos, répétent la sensation, & font entendre le corps bruyant ou sonore en un autre lieu que celui où il est. Si dans une plaine ou dans une vallée on met l’oreille à terre, on entend la voix des hommes & le pas des chevaux de beaucoup plus loin qu’en restant debout.

Comme nous avons comparé la vue au toucher, il est bon de la comparer de même à l’ouie, & de savoir laquelle des deux impressions partant à la fois du même corps arrivera le plutôt à son organe. Quand on voit le feu d’un