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leurs forces, & que leurs membres & leurs organes n’étaient pas assez formés pour les autres. Je trouve ces raisons mauvaises : un enfant n’a pas la taille d’un homme, & ne laisse pas de porter un habit fait comme le sien. Je n’entends pas qu’il joue avec nos masses sur un billard haut de trois pieds ; je n’entends pas qu’il aille peloter dans nos tripots, ni qu’on charge sa petite main d’une raquette de Paumier ; mais qu’il joue dans une salle dont on aura garanti les fenêtres ; qu’il ne se serve d’abord que de balles molles ; que ses premières raquettes soient de bois puis de parchemin, & enfin de corde à boyau bandée à proportion de son progrès. Vous préférez le volant, parce qu’il fatigue moins et qu’il est sans danger. Vous avez tort par ces deux raisons. Le volant est un jeu de femmes ; niais il n’y en a pas une que ne fît fuir une balle en mouvement. Leurs blanches peaux ne doivent pas s’endurcir aux meurtrissures, & ce ne sont pas des contusions qu’attendent leurs visages. Mais nous, faits pour être vigoureux, croyons-nous le devenir sans peine ? & de quelle défense serons-nous capables, si nous ne sommes jamais attaqués ? On joue toujours lâchement les jeux où l’on peut être maladroit sans risque : un volant qui tombe ne fait de mal à personne ; mais rien ne dégourdit les bras comme d’avoir à couvrir la tête, rien ne rend le coup d’œil si juste que d’avoir à garantir les yeux. S’élancer du bout d’une salle à l’autre, juger le bond d’une balle encore en l’air, la renvoyer d’une main forte & sûre ; de tels jeux conviennent moins à l’homme qu’ils ne servent à le former.

Les fibres d’un enfant, dit-on, sont trop molles ! Elles ont