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prendre la leur ; car notre manière d’apprendre la géométrie est bien autant une affaire d’imagination que de raisonnement. Quand la proposition est énoncée, il faut en imaginer la démonstration, c’est-à-dire trouver de quelle proposition déjà sue celle-là doit être une conséquence, &, de toutes les conséquences qu’on peut tirer de cette même proposition, choisir précisément celle dont il s’agit.

De cette manière, le raisonneur le plus exact, s’il n’est pas inventif, doit rester court. Aussi qu’arrive-t-il de là ? Qu’au lieu de nous faire trouver les démonstrations, on nous les dicte ; qu’au lieu de nous apprendre à raisonner, le maître raisonne pour nous & n’exerce que notre mémoire.

Faites des figures exactes, combinez-les, posez-les l’une sur l’autre, examinez leurs rapports ; vous trouverez toute la géométrie élémentaire en marchant d’observation en observation, sans qu’il soit question ni de définitions, ni de problèmes, ni d’aucune autre forme démonstrative que la simple superposition. Pour moi, je ne prétends point apprendre la géométrie a Emile, c’est lui qui me l’apprendra, je chercherai les rapports, & il les trouvera ; car je le les chercherai de manière à les lui faire trouver. Par exemple, au lieu de me servir d’un compas pour tracer un cercle, je le tracerai avec une pointe au bout d’un fil tournant sur un pivot. Après cela, quand je voudrai comparer les rayons entre eux Emile se moquera de moi, & il me fera comprendre que le même fil toujours tendu ne peut avoir tracé des distances inégales.

Si je veux mesurer un angle de soixante degrés, je décris