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exercice. Je me garderai donc bien de lui donner un maître à dessiner, qui ne lui donneroit à imiter que des imitations, & ne le feroit dessiner que sur des dessins : je veux qu’il n’ait d’autre maître que la nature, ni d’autre modèle que les objets. Je veux qu’il ait sous les yeux l’original même & non pas le papier qui le représente, qu’il crayonne une maison sur une maison, un arbre sur un arbre, un homme sur un homme, afin qu’il s’accoutume à bien observer les et leurs apparences, & non pas à prendre des imitations fausses & conventionnelles pour de véritables imitations. Je le détournerai même de rien tracer de mémoire en l’absence des objets, jusqu’à ce que, par des observations fréquentes, leurs figures exactes s’impriment bien dans son imagination ; de peur que, substituant à la vérité des choses des figures bizarres & fantastiques, il ne perde la connaissance des proportions & le goût des beautés de la nature.

Je sais bien que de cette manière il barbouillera longtemps sans rien faire de reconnaissable, qu’il rendra tard l’élégance des contours & le trait léger des dessinateurs, peut-être jamais le discernement des effets pittoresques & le bon goût du dessin ; en revanche, il contractera certainement un coup d’œil plus juste, une main plus sûre, la connaissance des vrais rapports de grandeur & de figure qui sont entre les animaux, les plantes, les corps naturels, & une plus prompte expérience du jeu de la perspective. Voilà précisément ce que j’ai voulu faire, et mon intention n’est pas tant qu’il sache imiter les objets que les connaître ; j’aime mieux qu’il me montre une plante