Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/231

Cette page n’a pas encore été corrigée

tout le reste. À cela près, je ne voudrois pas que la main, trop servilement appliquée aux mêmes travaux, vînt à s’endurcir, ni que sa peau devenue presque osseuse perdît ce sentiment exquis qui donne à connaître quels sent les corps sur lesquels on la passe, &, selon l’espèce de contact, nous fait quelquefois, dans l’obscurité, frissonner en diverses manières..

Pourquoi faut-il que mon élève soit forcé d’avoir toujours sous ses pieds une peau de bœuf ? Quel mal y auroit-il que la sienne propre pût au besoin lui servir de semelle ? Il est clair qu’en cette partie la délicatesse de la peau ne peut jamais être utile à rien, & peut souvent beaucoup nuire. éveillés à minuit au cœur de l’hiver par l’ennemi dans leur ville, les Genevois trouvèrent Plus tôt leurs fusils que leurs souliers. Si nul d’eux n’avoit su marcher pieds, qui sait si Genève n’eût point été prise ?

Armons toujours l’homme contre les accidents imprévus. Qu’Emile coure les matins à pieds nus, en toute saison, par la chambre, par l’escalier, par le jardin ; loin de l’en gronder, je l’imiterai ; seulement j’aurai soin d’écarter le verre. Je parlerai bientôt des travaux & des jeux manuels. Du reste, qu’il apprenne à faire tous les pas qui favorisent les évolutions du corps, à prendre dans toutes les attitudes une position aisée & solide ; qu’il sache sauter en éloignement, en hauteur, grimper sur un arbre, franchir un mur ; qu’il trouve toujours son équilibre ; que tous ses mouvements, ses gestes soient ordonnés selon les lois de la pondération, longtemps avant que la statique se mêle de es lui expliquer. À la manière